mardi 21 octobre 2014

Et si Kabila partait à 2016?

En réfléchissant sur le débat autour de la volonté supposée ou avérée de Joseph Kabila de faire modifier la constitution actuelle et briguer un troisième mandat, j'en suis arrivé à émettre des hypothèses et envisager des scénarios.

Le président Kabila fait modifier la constitution actuelle et se présente pour un troisième mandat

C'est le scénario dont rêvent les zélateurs, c'est-à-dire les plus kabilistes que Kabila lui-même. Ceux-ci lisent dans ses pensées et sont certains qu'ils lui rendent un grand service en expliquant, sans pouvoir convaincre puis qu'en manque d'arguments et tournant autour du pot, la nécessité de modifier telle ou telle autre disposition constitutionnelle en vue de lui permettre de se représenter.  Ils ont écrit des livres, initié des pétitions, mais jurent la main sur le cœur que ce n'est pas pour permettre à Kabila de briguer un troisième mandat.

Dans cette hypothèse, le président Kabila et son camp pourraient jouer la majorité confortable dont ils disposent dans les deux chambres du Parlement en prenant le soin d'isoler l'actuel président du Sénat qui s'est prononcé, bien qu'avec des réserves, contre toute initiative visant à désactiver les verrous de certains articles de la constitution. Isoler Léon Kengo ou le mettre hors-jeu ne serait pas si difficile étant donné qu'il ne fait pas vraiment partie du sérail de Kabila. Il y a même eu un précédent avec l'un de ses plus proches dans le passé: Vital Kamerhe au moment où il président l'Assemblée nationale. Il sera aussi facile de s'assurer de résultats favorables à l'issue des probables scrutins référendaires, législatives et présidentielles en renforçant un peu plus le contrôle sur CENI et le déroulement du processus électoral; non sans risque de sacrifier leur légitimité.

La partie la plus difficile sera de faire accepter cette entreprise et ses suites à l'opinion publique nationale qui s'échauffe petit à petit et l'Occident mené par les USA et la Grande - Bretagne qui ont plusieurs fois réitéré leur position sur ce sujet. Si, pour les pays occidentaux, la garantie que leurs intérêts ne seront pas menacés peut les calmer, il ne peut de même pour le peuple congolais. Nombreux sont ceux qui seront tentés de descendre dans les rues, surtout dans les grandes villes. A cela, le pouvoir répondra par une violente répression; ce qui ouvrira la voie à une possible lutte armée dans ce pays où les braises de plusieurs années de rébellion couvent encore sous les cendres.

Sur le plan international, le régime en place aura du mal à faire redorer l'image du pays après avoir réalisé quelques progrès, notamment devant l'ONU et l’UE, ces dernières années. Le retrait de ces institutions entrainera la fin des programmes mis en place avec les financements des bailleurs internationaux pour les reformes dans différents secteurs essentiels de la vie nationale (sécurité, justice, lutte contre le pillage des ressources...). Il serait aussi quasi impossible de retenir les investisseurs déjà présents et attirer d'autres.

Bref, après jours, mois ou années de chaos, la situation pourrait redevenir normale, mais le pays aura beaucoup perdu et l'environnement politique en sera plus que jamais marqué puis que la démocratie fera un recul de plusieurs années.

 Et si le président Kabila s'en allait!

Et si pression nationale et internationale payait ou si le président Kabila décidait enfin de quitter le pouvoir, du moins momentanément, à la fin de ce mandat? Oui. Si l'homme des énigmes décidait de s'en aller définitivement? Ou s'il préconisait de mettre en place un scénario "à la Poutine", c'est-à-dire faire élire un homme de paille, se faire nommer premier ministre et diriger le pays en sous-main avant de revenir cinq ans après comme chef de l'Etat? Personnellement, si j'étais dans la position de Joseph Kabila et si je désirais rester au pouvoir ou ne pas m'en éloigner, je suivrais volontiers les traces de Poutine pour répondre à la pression de la communauté internationale et de l'opinion nationale. Ou encore, si j’étais l'un de ses conseillers, c'est ce que je lui soufflerais à l'oreille. 

Cependant, une retraite définitive et un éloignement de Kabila nourrit aussi mes appréhensions que s'il s'accrochait au pouvoir.  Si Kabila part sans chercher un consensus, au sein de sa famille politique, autour d'une personne qui pourrait lui succéder, la MP implosera  - certaines voix dissidentes se font déjà entendre - et la lutte qui y éclatera aura des graves répercussions sur la stabilité et l'unité nationale.  L'impression qu'à part Kabila, personne ne peut diriger la RDC, vient de cet état d'esprit au sein de sa famille politique où nombreux jurent "Kabila ou rien".

Et d'où viendra l'alternance?

Au sein l'opposition qui ne semble être unie que par l'inimitié commune de ses ténors contre la personne de Kabila, l'absence d'une cohésion fondée sur des convictions ou des idéologies plutôt que sur des circonstances l'expose aussi à une fragmentation encore plus prononcée que celle observée actuellement, surtout lorsque l'on sait que la plupart des "leaders" politiques ont pour base électoral et vivier susceptible de mobilisation leurs ethnies, tribus ou clans respectifs et à quelques exceptions près leur région d'origine.

Outre le caractère tribal ou régional des partis politiques en RDC, il importe de souligner que même ceux prétendent lutter pour la démocratie sont loin de fonctionner suivant les règles démocratiques. A l'UDPS, le premier-né de l'opposition en RDC, le premier et dernier congrès a été tenu en 2010 et a reconduit l'homme à sa tête depuis sa création en 1982. Très affaibli par l'âge (81 ans), Etienne Tshisekedi séjourne en Belgique depuis août et c'est son fils Félix Tshisekedi qui expédie les affaires courantes. D'aucuns estiment que c'est celui-ci aidé par sa mère qui est le vrai chef du parti.

 Enfin, à part, la rengaine "Kabila doit partir", les dirigeants de l'opposition semblent ne disposer d'aucun projet sérieux à la hauteur des attentes du pays et de sa population. Dans leurs déclarations publiques et aux médias, s'ils ne fustigent pas le régime de Kabila jusqu'à friser l'injure, ils se bornent à promettre le changement, l'amélioration des conditions de vie, la bonne gouvernance sans vraiment dire comment ils comptent y parvenir.

En conséquence, leurs discours ne convainquent pas et ils ont du mal à obtenir la mobilisation massive de la population tant sollicitée au cours de leurs meetings.

Avec ou sans Kabila, la RDC n'est pas encore vraiment sortie de l'ornière.

A suivre...

Urbain Kokolo
E-mail: highlanderlandu@gmail.com



mercredi 8 octobre 2014

Gouvernance; gouvernance!


La publication de l'indice annuel de gouvernance en Afrique par la fondation Mo Ibrahim a suscité en moi plusieurs réflexions. Toutefois, le plus surprenant a été le silence assourdissant des dirigeants africains à ce sujet. En RDC, c'est l'infatigable et omniprésent ministre de la communication, presse et médias, aussi porte - parole du gouvernement, qui a commenté le rapport de la fondation du milliardaire égyptien. Monsieur Lambert Mende s'est félicité du fait que la RDC a gagné 0.8 % (en cinq ans!) et grimpé de quatre places dans le classement  comparativement à la période précédente (de la 51ème à 47ème), mais il a aussi affirmé sur les ondes de la Radio Okapi :"nous ne pensons pas que nous devons nous regarder avec les yeux des autres. Non ! Mo Ibrahim n’a pas une souveraineté sur nous». Je garde pour moi les qualificatifs qui seraient sortis du tiroir au cas où Mo Ibrahim n’était un belge ou un français...

Et pourtant, la misère et l'instabilité politique en Afrique tirent leur source dans la mauvaise gouvernance. Et ce constat est corroboré par les faiblesses de l'Afrique sur le plan économique et social, notamment dans le rapport du PNUD sur l'indice du développement humain publié chaque année.  Là encore la RDC partage les dernières places avec les pays tels que le Niger, le Mozambique, le Tchad, l’Érythrée, la RCA, le Mali...Ceci est la preuve que si les nombreuses ressources dont disposent plusieurs pays africains ne sont gérés à bon escient, en respectant les règles d'une gestion saine de la chose publique, en distribuant équitablement les richesses et surtout en se dotant des services publics capables de subvenir aux besoins fondamentaux des populations, une grande partie de la population croupira indéfiniment dans la misère.

Il est certain que l'époque de l’État providence est révolue, cependant l’État devrait cesser de n’être présent qu'à travers les taxes, les impôts et les tracasseries administratives, policières et militaires. Dans certains pays, des pans entiers du territoire national sont abandonnés sans routes, sans écoles et sans hôpitaux...Et l’État et ses animateurs se trouvent à des milliers de kilomètres; vivant dans une opulence qui est vécue comme une insulte pour les peuples qui subissent non seulement les tracasseries, mais aussi des difficultés énormes pour accéder à l'eau potable, à l'éducation, à la justice, à la santé, à la sécurité...Dans ces circonstances, le peuple est prêt à accueillir  n'importe lequel des aventuriers qui saurait profiter de la situation. Les différentes rebellions à l'Est de la RDC, au Nord du Mali, de la RCA et du Nigeria illustrent parfaitement cet état de chose.

La bonne gouvernance reste un élément clé pour la stabilité et l'amélioration du bien-être  des populations africaines qui ne méritent pas de vivre dans cette misère et de périr dans les flots de la méditerranée en tentant de rejoindre l'Europe. Et la stabilité en Afrique passe par une répartition équitable des richesses entre les classes dirigeantes et leurs peuples pour qui attendent que l’État leur fournisse le minimum pour assurer leur vie et celle de leurs enfants. Autrement, ce sont les fragiles identités nationales qui disparaitront et laisseront la place à des luttes pour l'autodétermination.

Urbain Kokolo
E-mail: highlanderlandu@gmail.com