mercredi 10 septembre 2014

La révision de la Constitution de la RDC : Un enjeu pour la paix dans la Sous - région des Grands Lacs?

Est-il opportun ou pas de modifier la Constitution en vigueur en RDC? Cette question divise dans ce pays qui tarde encore à sortir d'environ deux décennies de conflits qui, jusqu'à ce jour, auraient occasionné un peu plus de 5 millions de morts impliquant plus de six pays africains. 

La Constitution actuellement en vigueur est issue du référendum organisé en décembre 2005 et sa promulgation par le président congolais en février 2006 a mis fin à une transition politique entamée depuis 2003 et ouvert la voie aux premières élections pluralistes dans le pays tenues dans la même année.

Depuis lors, cette loi fondamentale n'a subi qu'une seule révision ayant apporté des amendements à huit articles sur les 229, en janvier 2011, juste à la veille des élections générales remportées par le président Kabila et son camp, dans des conditions décriées aussi bien par la communauté internationale qu'une grande partie de la société civile avec à sa tête l'Eglise catholique de la RDC.  

L'on se souviendra, entre autres, du rapport final de la mission d'observation électorale de l'UE qui jugeait, sans ambages, l'absence de crédibilité des résultats publiés par la CENI et validés par la Cour  suprême de justice. Des troubles avaient émaillé tout le processus électoral et la crise politique qui s'en suivie a tenu en haleine le pays tout entier et menacé la cohésion ; Etienne Tshisekedi arrivé deuxième rejetant en bloc les résultats du scrutin et la légitimité de Kabila; jusqu'à ce que l'attention se tourne vers l'insurrection du M23 dans la Province instable du Nord - Kivu, en avril 2012.

De l'avis des observateurs avertis de l'espace politique congolais, l'une des causes du discrédit jeté sur le résultat de la présidentielle de 2011 est l'amendement apporté à l'article 71 qui avait réduit les deux tours du scrutin en un seul. Le président Kabila a donc été élu à la majorité simple avec 48,9 % en face de concurrents. Un professeur de Sciences Politiques m'avait affirmé avant même le scrutin que Kabila serait vainqueur légal, mais, avec ou sans fraude, il serait de lui accorder une certaine légitimité, à moins qu'il réalise un score respectable. Ce qui n'a pas été évident face à une multitude d'opposants dont ses importants alliés d'hier: Vital Kamerhe, Mbusa Nyamwisi et Nzanga Mobutu. Kabila et ses proches avaient, en quelque sorte, mis sur la meme balance la légalité et la légitimité, oubliant que la première n'ouvre toujours pas la voie à la seconde et que la légitimité est plus indispensable que la légalité dans certaines circonstances. Il faudrait aussi ajouter à cela, le mauvais timing. Des analystes et des opposants ont été d'avis que les règles de jeu ont été changés en plein milieu de la partie.

A l'aube des élections générales qui pourraient avoir lieu en 2016, le débat fait rage autour de l'opportunité ou non de toucher à certaines dispositions constitutionnelles. Dans cette discussion qui tourne à la polémique, des passions sont exacerbées et des fissures sont apparues même au sein du camp du président Kabila où certains partis et personnalités se prononcent, soit contre toute révision de la loi fondamentale - Jean - Claude Muyambo, un leader politique du Katanga, soit, au minimun, pour un débat ouvert au sein de la Majorité autour de la question, cas du Mouvement Social pour le Renouveau d'un ancien conseiller de l'actuel président de la République.

La révision ou pas de la Constitution de la RDC constitue plus que jamais un enjeu majeur de la stabilité dans le pays et dans toute la sous - région des Grands Lacs car le Congo - Brazzaville, le Burundi, le Rwanda et dans une moindre mesure l'Ouganda se trouvent dans la même situation avec des dirigeants arrivant au terme de leur dernier mandat suivant les textes en vigueur ou ayant passé plusieurs décennies au pouvoir et poussés à la porte par la communauté internationale et leur opinion publique nationale.

Le premier de ces cinq pays qui marquera le pas dans le sens de la modification ou pas de sa Constitution encouragera ou dissuadera les autres de prendre l'une ou l'autre direction, suivant les conséquences qui en découleront.

En cas de modification des Constitutions sans un accord unanime des populations et des classes politiques des pays concernés, des troubles internes majeurs pourraient naitre et des groupes armés téléguidés par des politiciens, surtout ceux en exil, pourraient regagner en légitimité et se trouver des prétextes pour déclencher des guerres en vue de renverser les régimes en place. Notons aussi que cette partie de l'Afrique est un vrai reservoir des groupes armés illégaux qui détiennent des records en pillage des ressources et violations massives des droits humains.

Toutefois, si en RDC, un débat national autour de cette question est possible au sein de la classe politique et avec la société civile et laisse entrevoir des chances pour que le pire soit évité et que le désir de la modification de la Constitution soit unanime à l'issue d'une discussion ouverte, il n'en est pas le cas au Rwanda où l'espace politique est extrêmement fermé avec le regne de la pensée unique, celle du RPF du président Kagame et au Burundi, pays qui connait actuellement une dangereuse dérive vers l'absolutisme du CNDD au pouvoir.

Outre le débat national qui est capital pour préserver les avancées démocratiques dans la région, il faudrait une pression de la communauté internationale sur les pouvoirs en place autour de l'alternance pacifique, le respect des textes en vigueur et la bonne gouvernance et une forte mobilisation des masses par les sociétés civiles autour des idéaux démocratiques et des mécanismes de résistance non violente.

Les dirigeants africains devraient réfléchir à cette citation du Nigérian Wole Soyinka, prix Nobel de Littérature : « Ceux qui rendent impossible le changement pacifique rendent inévitable le changement violent ».

Urbain Kokolo Landu
E-mail: highlanderlandu@yahoo.fr





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